jeudi 28 février 2013

LA VIANDE DANS VOS ASSIETTES....

SOURCE LE MONDE PLANETE28/02/2013  
En France, 80 % de la consommation de viande bovine vient de vaches réformées, c'est-à-dire menées à l'abattoir au terme de leur production laitière ou de leur fonction de reproductrices.
En France, 80 % de la consommation de viande bovine vient de vaches réformées, c'est-à-dire menées à l'abattoir au terme de leur production laitière ou de leur fonction de reproductrices. | AFP/FRANK PERRY

Derrière la fraude sur les plats préparés, celle des carcasses de viande ? La question est posée alors qu'un agriculteur de la Manche a accusé, mardi 26 février, l'abattoir Kermené (groupe Leclerc), dans les Côtes-d'Armor, d'avoir étiqueté en juillet 2012 "race à viande" deux carcasses qu'il avait vendues comme "race laitière".

Une "fraude" qui permet, selon l'agriculteur Yves Sauvaget, porte-parole de la Confédération paysanne lait pour la Manche et producteur de viande bio, de gagner jusqu'à 1 200 euros par bête, une race à viande étant vendue plus chère au consommateur qu'une race laitière. L'éleveur, qui possède un troupeau de 55 vaches laitières et 10 vaches à viande à Saint-Ovin (Manche), a alors dénoncé le "travail de sape fait par l'agroalimentaire" : "Nous, éleveurs, la traçabilité nous tient à cœur. On est rigoureux. Ça nous coûte de l'argent, et eux, ils cassent tout."
Le président du groupe Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, a immédiatement répliqué sur RTL : "Je démens, il n'y a absolument pas eu de tromperie, il n'y a pas eu de fraude, pas de surprofit. Sa viande a été achetée au prix du bio, a été transformée en steak bio, a été vendue comme bio, et ce n'était absolument pas marqué pour le consommateur race à viande pour de la race laitière."
Au-delà d'un contentieux pour l'instant irrésolu – tous deux assurent être en possession de "documents" prouvant leurs dires –, cette affaire interroge quant au type de viande que nous mangeons sous l'appelation de "bœuf" – quand il s'agit bien de bovins et non de cheval. Race à viande, race laitière, vache, jeune bovin, génisse : quelles sont les différences et comment sont-elles indiquées ?
  • Les mentions obligatoires d'étiquetage de la viande bovine : morceau, poids et prix
L'étiquette doit préciser le pays de naissance, le pays d'élevage et le pays d'abattage.
L'étiquette doit préciser le pays de naissance, le pays d'élevage et le pays d'abattage. | AFP/JEAN-PIERRE MULLER

Depuis le début des années 1990, plusieurs mentions sont imposées sur l'étiquette des viandes bovines par le code de la consommation : le nom du morceau (onglet, pavé, basse côte, faux filet, etc.), son poids, son prix au kg et son prix net, sa date d'emballage et sa date limite de consommation.
En 2000 et 2002, la règlementation européenne a imposé trois indications supplémentaires :
  1. L'origine de la viande. Si une seule origine est mentionnée, l'animal est né, a été élevé et abattu dans un même pays. Dans le cas contraire, l'étiquette doit préciser le pays de naissance, le pays d'élevage et le pays d'abattage.
  2. Le numéro d'agrément de l'abattoir, ainsi que le pays et le numéro d'agrément de l'établissement de découpe de la carcasse, afin d'identifier les établissements concernés.
  3. Le numéro de lot, qui permet de caractériser une pièce dans un lot de carcasses. S'il y a un problème, ce numéro permet de remonter très vite à la source.
  • Les mentions optionnelles : race et catégorie de bovin
Les étiquettes peuvent porter deux indications supplémentaires, optionnelles depuis 2002 après avoir été obligatoires en 1997 après la crise de la vache folle : le type de race et la catégorie de l'animal.
La dénomination "viande bovine" regroupe ainsi trois types de race différentes :
  1. Les races laitières : on compte ainsi 3,6 millions de vaches laitières en France fin 2011, principalement des Holstein, Normandes et Montbéliardes, sélectionnées pour leur importante production de lait (avec une moyenne de 7 000 litres par an).
  2. Les races à viande ou allaitantes. On en dénombre 4 millions, notamment des Charolaises, Limousines, Blondes d'Aquitaine, Aubrac ou Salers. Elles sont élevées pour donner des veaux qui seront engraissés avant de donner de la viande ou de devenir de jeunes bovins. Ce sont des bêtes à la plus faible production de lait mais au gabarit plus important.
  3. Les races mixtes. Ce sont des races laitières qui présentent de "bonnes caractéristiques bouchères", comme les Normandes et Montbéliardes.
Ces races comportent chacune plusieurs catégories d'animaux :
  1. Les génisses, des femelles n'ayant pas encore eu de veau (âgées de 12 à 30 mois).
  2. Les vaches réformées, c'est-à-dire des femelles arrivées au terme de leur production de lait ou de leur capacité de reproduction, qui vont être engraissées avant d'être menées à l'abattoir et consommées pour leur viande.
  3. Les jeunes bovins, mâles non castrés élevés jusqu'à 18 mois.
  4. Les bœufs, mâles adultes castrés.
  5. Les taureaux, mâles adultes non castrés.
  • La consommation française de viande bovine : essentiellement des vaches réformées

Sur les 1,6 million de tonnes-équivalent carcasse de viande bovine consommée en 2012 en France, 79 % venait de femelles (70 % de vaches et 9 % de génisses) et 21 % de mâles (13 % de jeunes bovins et taureaux et 8 % de bœufs), selon les chiffres de l'Institut de l'élevage. Notre steak haché ou rumsteak consiste donc essentiellement dans des vaches considérées comme "en fin de course" – puisqu'elles sont conduites à l'abattoir au terme de leur production laitière ou de leur fonction de reproductrices, c'est-à-dire au bout de 6 à 7 ans pour les premières et 7 à 10 ans pour les secondes – bien plus que des jeunes bovins ou bœufs, à la viande a priori de meilleure qualité.
Surtout, plus du tiers de cette consommation (35 %) vient de vaches laitières réformées, qui se retrouvent plutôt dans les produits de bas de gamme contrairement aux vaches allaitantes (65 %), issues de races sélectionnées pour faire de la viande.



"Le marché français est plus demandeur de vache dans la mesure où sa viande est plus rouge et moins claire que celle des jeunes bovins", explique Gérard You, chef du service économie des filières à l'Institut de l'élevage. Résultat : la France importe 373 000 tonnes de vache d'Allemagne et d'Irlande chaque année pour satisfaire une demande supérieure à sa production. A l'inverse, elle exporte 268 000 tonnes de jeunes bovins, essentiellement à destination de l'Italie, qui manque de bêtes pour faire tourner ses ateliers d'engraissage.
  • Des fraudes possibles faute de contrôles suffisants
Les contrôles ne sont pas systématiques à la sortie de l'abattoir ou lors de la transformation de la viande.
Les contrôles ne sont pas systématiques à la sortie de l'abattoir ou lors de la transformation de la viande. | AFP/FRANK PERRY

Actuellement, la vache allaitante est vendue en moyenne 4,30 euros le kilo à l'entrée à l'abattoir, contre 3,64 €/kg pour la vache laitière. Avec des carcasses pesant entre 300 et 400 kg, un surclassement de la race – le fait de faire passer une viande standard en une autre de meilleure qualité – peut mettre de dégager une plus-value de 400 euros par bête, calcule Gérard You. L'intérêt commercial d'une telle fraude existe donc, tant pour l'abattoir que les distributeurs.
La fraude est d'autant plus aisée que les contrôles sont loin d'être systématiques à la sortie des abattoirs. "Nous contrôlons 100 % des bovins sur pied avant et juste après l'abattage. Mais ensuite, la carcasse est découpée et traitée. Seule une très petite partie des lots est contrôlée à la sortie de l'abattoir et dans les commerces, par sondage, explique Laurent Lasne, du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire. Une fraude est donc possible dès lors qu'il s'agit de bénéficier d'une mention valorisante, comme des races plus nobles, des labels ou des appelations contrôlées."

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